Morogrim

Conte pour enfants



"Assis sur le bord du ponton, les jambes battant mollement l'air, Vrickmit pleurait à chaudes larmes. Il était seul... désespérement seul. Sa vie avait complètement basculé quelques heures auparavant, la veille encore il jouait avec ses amis, comptait fleurette à la petite Blikmat et s'empiffrait de côtelettes d'humains et d'oreilles d'elfes. Son père lui avait pourtant dit... "Mange ce que tu veux, dans les quantités que tu veux, mais évite le gnome et surtout n'avale jamais, Ô grand jamais, de la viande de gnome démoniste".
Mais Vrickmit n'avait pas su résister à la tentation. Au détour d'une ballade digestive, il était tombé sur le cadavre d'un gnome, la fabuleuse odeur de souffre et la couleur verdatre de la chair commençant à faisander l'avaient littéralement hypnotisé et, bien qu'ayant copieusement déjeuné peu avant, il s'était payé le gueuleton de sa vie.

Quelques heures plus tard il se tordait de douleur par terre, son ventre lui faisait tellement mal qu'il n'arrivait même pas à hurler, un liquide marronasse lui coulait au coin de la bouche et il respirait avec peine. Ses camarades riaient follement de le voir dans cet état. La journée fut un véritable enfer. Les choses se calmèrent en début de soirée, mais Vrickmit était dans un état d'épuisement total. Incapable de marcher, il se traînait lamentablement sur le ventre, recevant deçi delà des coups de manche de harpon de ses amis.
Il était l'heure de l'hommage à Gran'pôpa, et tout le monde se dirigeait vers la salle des cascades, personne ne prenant le temps de l'attendre, même pas Blikmat.

Les cris d'effervescence avaient commencé et il lui restait encore la moitié du chemin à faire. Gran'pôpa ne se rendrait surement pas compte de son absence et Vrickmit en était d'autant plus vexé. Accélerant autant que la peau de ses genoux et de son ventre le lui autorisait, il commença à distinguer la silhouette gigantesque de Gran'pôpa. Devant lui, s'agitant en une sarabande effrénée, ses comparses laissaient libre cour à leur défoulement. Vrickmit sentait la jalousie monter puissamment en lui lorsqu'un reflet de lumière lui percuta le coin de l'oeil. Plissant les paupières, il regarda plus attentivement : c'était le dîner qui arrivait !!! Une troupe d'aventuriers sûrs d'eux et prêts à en découdre avec Gran'pôpa. Malgré l'état délabré de son estomac, Vrickmit en eut l'eau à la bouche, mais en étudiant le menu plus en détail, il poussa un soupir de déception : beaucoup de nains, il n'était pas grand amateur de leur chair, trop dure et nécessitant trop de préparation pour la débarrasser de son excédent d'alcool comme on désale les morues ; et surtout beaucoup mais beaucoup trop de gnomes, dont deux au moins en conserve et, horreur, un gnome démoniste ! Rajoutons à cela que, hurlant, vociférant et sautant sur place, un autre gnome semblait diriger le petit groupe... un sale pressentiment s'empara de Vrickmit et son estomac choisit ce moment là pour restituer ce qu'il restait du gnome qu'il avait dévoré le matin.

Un peu plus loin, affamés, ses camarades se ruaient sur les aventuriers, et quelques instants plus tard mouraient lamentablement en poussant des borborygmes épouvantables. Dès ce moment les gargouillis d'agonie ne cessèrent plus et emplirent toute la salle. Les conserves sur pattes se précipitèrent sur Gran'pôpa et commencèrent à le harceler. Vrickmit savait bien comment tout cela allait se finir, comme toujours Gran'pôpa appelerait toute la smalla de ses gardes d'élites qui écraseraient les aventuriers et seraient du coup les premiers à se servir à manger, et liquideraient tous les meilleurs morceaux... comme d'habitude...
Mais tout ne se passa pas comme d'habitude... Effectivement Gran'pôpa appela ses troupe d'élites, mais ses adversaires avaient une arme secrète, terrible et puissante qu'il identifia immédiatement. Vrickmit n'en croyait pas ses yeux, bien sûr il en avait entendu parler à la veillée autour du feu lorsqu'avec ses amis ils se racontaient des histoires pour se faire peur, mais il avait toujours cru qu'il ne s'agissait que de ça, d'une histoire, d'une invention pour effrayer les petits. Mais non, il en avait bien un devant lui, cette créature terrifiante que l'on nomme palanain ! Avec ses mains pleines de doigts, sa tête pleine de poils et son armure à la lumière surnaturelle qui abritait une peau surement trop coriace et qui aurait nécessité que Gran'pôpa lui-même la piétine pendant des heures pour l'attendrir avant d'être consommable.
Au centre du groupe d'aventurier il répandait cette insupportable lueur divine et la smalla se concentra sur lui pour faire cesser au plus vite ce douloureux tiraillement qui s'attaquait directement à leur esprit. Mais le palanain demeurait imperturbable devant cet assaut et les mages et démonistes adverses profitèrent de l'attroupement pour emplir toute la zone de leurs maléfices.
Gran'pôpa semblait être énervé et contrarié tandis que Vrickmit sentait monter en lui un sentiment mélangé de haine, de frustration et de tristesse. Le seigneur fit trembler la terre, commanda les eaux et, en désespoir de cause devant la résistance de ses adversaires, appela les derniers renforts de la garde. Mais rien n'y fit, le palanain assurait une victoire inéluctable aux aventuriers et jusqu'en Northrend le sol trembla de la chute finale de Gran'pôpa. Morogrim n'était plus et avec lui, la tribu entière de Vrickmit avait péri.
Des larmes plein les yeux, notre héros ne put que se traîner lamentablement dans un coin et assister impuissant à la liesse triomphante de ses ennemis, les gnomes, ignobles créatures, sautaient partout comme des fous, tous les autres entouraient le palanain et le congratulaient à coup de bourrades amicales dans le dos. Ensuite poussant des exclamations de joie puérile, ils pillèrent le trésor de Gran'pôpa puis s'éloignèrent comme si de rien n'était, gais comme des pinsons, laissant derrière eux un monceau de cadavres qui commençaient déjà à répandre une puissante odeur de poisson pourri.

Seul sur son ponton, Vrickmit se remémorait ces terribles évènements. Son ventre avait cessé de le faire souffrir mais peu à peu une nouvelle sensation s'emparait de ses tripes, une colère terrible, une haine féroce. D'un revers rageur de la main il essuya ses larmes et se moucha dans ses doigts. Se levant d'un pas décidé, il retourna sur le lieu du carnage. Pendant des heures il procéda à un tri, faisant deux piles, il entassa d'un coté les armes et de l'autre les pièces détachées de ce qui fut sa famille.
Lorsqu'il eut fini, la nuit était déjà bien avancée, à la lueur d'une torche devant lui s'amoncelaient les cadavres des siens. Plongeant les doigts dans la mare de sang Vrickmit traça sur son visage les peintures rituelles de guerre, et déchirant un morceau du pagne de la défunte Blikmat, se le noua autour de la tête. Emprunt d'une gravité nouvelle et d’une lueur de rage vengeresse au fond de ses yeux globuleux, Vrickmit alluma le bûcher mortuaire. Il ne le contempla que quelques instants avant de piocher avec soin ses armes dans la deuxième pile. Le temps des adieux était fini et maintenant était venu le temps de la vengeance ! Au trot forcé Vrickmit se lança à la poursuite des meurtriers de sa famille."

"Et voilà on a fini le chapitre", annonça le père fourbu en refermant le livre.
- Nan, encore, encore, lis-moi la suite pôpa !
"Non, c'est l'heure de dormir pour les jeunes murlocs, demain soir je te raconterais la suite de l'histoire"
- Promis ?! Hein dis ?! Tu me raconteras ? Promis promis promis ?
"Oui c'est promis"
- Tu me raconteras comment Vrickmit trace son chemin en abattant tous ses ennemis ? Et comment il finit par affronter et écraser les aventuriers de la Troïka ? Et comment il devient roi des murlocs et épouse la plus belle princesse du monde ? Hein dis pôpa ?!
"Mais oui je te raconterais tout ça... je sais que c'est ton histoire préférée"
- Dis papa...
"Oui ?"
- C'est vrai que Vrickmit a réellement existé et que nous sommes ses descendants ?
"Allez ça suffit maintenant... dors !" Le père légèrement excédé éteignit les lumières et ferma délicatement la porte.
Maintenant il n'aspirait qu'a une chose : une bonne bière dans son canapé avec un bon navet à la télé.
Etre père était une joie et son petit Afluck était adorable, mais après ses activités de la journée il était rompu.
Il avait commencé très tôt ce matin, Patrick lui imposait des délais intenables pour finir le montage de l'épisode 19 d'Azeroth.fr, ensuite sautant le déjeuner, il avait dû passer des heures à réparer l'ordinateur de Nath, réinstaller le système d'exploitation et lui remettre ses jeux favoris, elle ne lui avait même pas proposé une tasse de café et était aller faire du shopping pendant qu'il s'escrimait sur la machine. Et pour finir il avait dû faire les courses pour Daniel et transporter plus de 300 kilos de barres chocolatées ("non ce n'est pas que pour les enfants") et de pizza peperoni, à peine de quoi tenir une semaine..., tout ça pour finir par poireauter pendant une heure devant la porte de Daniel qui, répondant à ses coups de sonnettes agaçés, hurlait de loin "Attends 5 minutes, je peux pas venir t'ouvrir de suite, je suis en raid !"
La vie moderne de Murlock était bien difficile parfois... Et foi de Marcel, il avait bien mérité sa binouze-canap-téloche.